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La CST maîtrise la Calibration

21 Sep 2022

La CST est la commission supérieure technique de l’image et du son. Éric Chérioux, directeur technique, et Jean-Michel Martin, responsable technique du secteur de la diffusion, nous ont guidé à la découverte des normes et pratiques de la calibration en cinéma numérique.

Que mesure-t-on pour la calibration des projecteurs de cinéma numérique ? Quelles sont les normes ?

La calibration des projecteurs de cinéma numérique est régie par la norme Afnor NF S27-100 qui renvoie au texte américain RP 431-2:2011 – SMPTE Recommended Practice et qui précise la quantité de lumière au centre de l’écran, avec une valeur minimale de 38 cd/m2, une valeur maximale de 58 cd/m2 et une valeur nominale de 48 cd/m2. Elle impose également une uniformité d’éclairement (de 38 à 58 cd/m2) qui est moins grande qu’on pourrait le penser, mêmes si les projecteurs lasers évoluent moins que les projecteurs à lampes Xénon. La norme indique également les coordonnées colorimétriques dans l’espace CIE 1931 x,y du point blanc (x=0,314 ; y=0,351) et des primaires auxquelles doit être adapté le projecteur suivant l’espace colorimétrique DCI-P3 également appelé DC28 pour le cinéma numérique. Un projecteur numérique, qu’il soit laser ou à lampe Xénon est capable de dépasser cet espace, mais n’atteint pas encore l’espace Rec.2020.

Y a-t-il une utilisation de Lut (Lookup Table) ou d’une autre matrice pour régler les projecteurs après les mesures ?

Il n’y a pas d’application de Lut pour la calibration dans le projecteur en cinéma numérique. Certains projecteurs intègrent, comme Christie, une Lut 9*9*9, mais elle est propriétaire. Pour la calibration, nous projetons les primaires rouge, vert, bleu des mires internes du projecteur et les mesurons. Nous renseignons les valeurs dans le fichier MGCD du projecteur qui les adapte alors pour coller aux valeurs de la norme également renseignées. Nous effectuons ensuite une vérification avec une projection d’une mire en DCP pour s’assurer que les primaires mesurées respectent les tolérances. Le blanc du DCI-P3 a été défini originellement pour une optimisation de la luminosité des lampes Xénon. D’autres points blancs sont autorisés en production, souvent le D65. Cela facilite en production le passage de la norme broadcast Rec.709 au DCI-P3 en évitant d’utiliser une matrice d’adaptation de type Bradford. La RP 431-2:2011 précise (en x’,y’) en plus des trois primaires et du point blanc utilisés en calibration, deux magentas, deux jaunes, deux rouges, deux bleus, deux verts et deux blancs supplémentaires dont le D65.

Quelle peut être l’utilité de ces autres coordonnées en calibration ?

On peut mesurer le degré de précision de la calibration en projetant et en mesurant des aplats de ces couleurs puis on s’assure de la fidélité des primaires et des secondaires : tous les rouges, verts, bleus, cyans, magentas et jaunes. En pratique, ces mesures ne sont pas effectuées, mais nous avons déjà fait des expérimentations avec Jean-Michel suivant tout le panel pour vérifier la stabilité dans le temps des projecteurs.

Quel matériel utilisez-vous ?

Nous utilisons à la CST trois appareils, le photomètre chroma mètre Konica Minolta CS 200 PR, le spectromètre Photo Research PR 670 et le Qalif Ultimatte, qui est capable de prendre en charge les commandes de certains projecteurs et serveurs de cinéma numérique, et d’effectuer ainsi directement les corrections. Cela ne fonctionne pas sur les modèles Sony, mais très bien avec les projecteurs Christie. En plus de la colorimétrie, le Qalif gère l’uniformité et génère un rapport qui peut être envoyé par ftp en PDF.

Quelle est la récurrence des calibrations ?

Il faut au minimum recalibrer les projecteurs à chaque changement de lampe. Certaines salles de laboratoires ou d’étalonnage sont calibrées toutes les semaines ou les deux semaines, les salles d’exploitation deux fois par an. Lorsque la puissance de la lampe baisse, la colorimétrie varie. La puissance baisse fortement lorsqu’elle est neuve avant une période relativement stable. Les projecteurs xénon nécessitent moins de calibration que les modèles laser.

Avez-vous des réflexions sur l’évolution des formats, notamment vers le HDR et les espaces colorimétriques étendus ?

Ce sont des sujets qui intéressent actuellement fortement les mondes de la hightech et les États-Unis. Mais le HDR pose certains problèmes dans les salles de cinéma, parce qu’il faut par nature un contraste important. En projection, les niveaux de luminosité étant limités, une teinte trop claire des fauteuils ou des bornes de sortie lumineuse trop proches de l’écran empêchent d’accéder à des niveaux de noirs suffisants. Il faut des projecteurs à objectifs haut contrastes spéciaux et des projecteurs haute puissance. Dans les salles de cinéma, l’encrassement des chemins de lumière rend déjà difficile le maintien d’une luminosité de 48 cd/m2 mais c’est encore plus complexe pour délivrer les 105 cd/m2 du Dolby Vision. Concernant les espaces colorimétriques, le Rec.2020 est accessible uniquement avec la technologie laser, qui est sujette à d’autres problèmes, notamment de métamérisme, donc l’espace colorimétrique actuel pour le cinéma reste le DCI-P3. Concernant le HDR, le DCI a sorti un addendum (en version « draft ») accessible sur son site, visant à la définition d’une solution non propriétaire (à l’opposé de la solution Dolby ou Imax) avec des tableaux de coordonnées de primaires colorimétriques accessibles aux projecteurs lasers et un blanc D65. Il semble que l’objectif que cible ce format du futur serait plus dédié aux dalles Led cinéma qu’aux projecteurs à la luminosité annoncée de 300 cd/m2 qui correspond à cette technologie.

Coordonnées de Patchs de couleurs indiques dans la RP 431-2-2011 pour la vérification de la calibration des projecteurs de cinéma numériques – Extrait de RP 431-2-2011 – SMPTE Recommended Practice – D-Cinema Quality.

Propos recueillis par Loic Gagnant.
Article disponible dans la Lettre 182
Interview publiée pour la première fois dans Mediakwest #47

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