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Repenser les salles de cinéma pour le monde post-COVID
Par Jack Roberts, éditorialiste.
La CST rend accessible aux non-anglophones des opinions glanées sur la webosphère. Ces opinions ne reflètent pas celles de la CST mais permettent d’alimenter la réflexion collective.
Mettre en évidence l’histoire du cinéma
Jadis la résidence de Charlie Chaplin, désormais un trésor de souvenirs de films, le Musée du Cinéma est le temple du grand écran préféré des londoniens.
Aujourd’hui, lorsqu’on entre dans un cinéma, que ce soit en Amérique profonde ou dans une grand métropole, on voit qu’il y a énormément de place libre. L’attirail habituel de guichets/machines de billetterie, de comptoirs et de toilettes est toujours là. Selon la taille du cinéma, il peut y avoir des affiches des films programmés et si on a de la chance, il peut même y avoir des machines à sous. Mais ça laisse beaucoup à désirer.
Ces espaces libres ont une réelle valeur foncière. Les murs, les foyers et les couloirs vides peuvent parfaitement servir à exposer l’histoire du cinéma. Le succès du Musée du Design à Londres avec son exposition sur Stanley Kubrick en 2019 a prouvé l’intérêt du public pour de tels dispositifs. Une telle expo pourrait simplement comporter des affiches rétro ou des photographies de tournage avec quelques informations, ou on pourrait même faire l’effort d’acheter des reproductions/souvenirs physiques de films. Il faut l’imaginer comme le « Hard Rock Café » avec moins de guitares ! Les centres commerciaux en Thaïlande rencontrent un grand succès lorsqu’ils remplissent des espaces vides avec des vitrines roulantes pour des artistes. Dans le cas des chaînes de cinémas, on pourrait même concevoir une collection « tournante » afin de renouveler l’exposition. Cela pourrait également se révéler intéressant pour les studios de voir leurs accessoires exposés dans un cinéma plutôt que de prendre la poussière dans un entrepôt.
A l’instar de l’aéroport Schiphol à Amsterdam, les cinémas ne doivent pas allouer de la place uniquement à des fauteuils basiques, mais proposer des options inclinables, très recherchées. Contrairement aux centres commerciaux, les salles de cinémas ne sont pas des lieux de passage rapide pour des gens qui ne feront pas d’achats. Ce genre de changement satisferait donc les envies des consommateurs existants, qui auront probablement déjà acheté leurs places. L’expérience entre le moment où ils achètent leur billet et le moment où ils s’assoient pour regarder le film ne doit pas être négligé. Cette approche pourrait améliorer l’expérience globale en améliorant les « accessoires ».
L’expérience du luxe
L’Electric Cinema, qui a ouvert ses portes en février 1910, est l’un des cinémas les plus anciens en Grande Bretagne encore en activité.
Le modèle du luxe vu par les cinémas à travers le monde laisse entrevoir une approche unique avec très peu de différences d’un cinéma à l’autre. Leur définition du luxe semble se restreindre à des fauteuils plus profonds, davantage de place pour les jambes et la possibilité de commander à manger pendant le film. Ces solutions, réservées aux petites salles VIP, se révèlent souvent hors de portée du « spectateur lambda » à cause de leurs prix exorbitants.
De plus, ils ne voient pas assez grand. Partout dans le monde, les cinémas sont tombés dans le même modèle de disposition des salles. Certains ont pu expérimenter des écrans incurvés et des fauteuils en arc de cercle mais cela reste rudimentaire. Si on regarde la collaboration entre IKEA et l’Olympia Paris ou bien l’Electric Cinema à Londres, on voit des exemples de cinémas qui s’élèvent contre l’immobilisme, tout en fournissant les éléments nécessaires à une projection de qualité. En tirant parti de beaucoup de données et en favorisant des partenariats souples avec les grands studios, les cinémas pourraient devenir les « sommeliers de films » et conseiller des films en fonction de leurs clients.
Des expériences en extérieur, sur mesure et immersives
L’Amphithéâtre Red Rocks au Colorado propose une expérience cinéma unique, niché parfaitement dans une merveille naturelle de grès ocre.
Les projections en extérieur n’ont rien de nouveau. Qu’ils tirent avantage de toitures, de parcs, d’espaces en bord d’eau, de châteaux ou d’espaces naturelles, beaucoup d’exploitants indépendants y ont trouvé leur compte depuis une dizaine d’années. Alors, comment se fait-il que les grands groupes ne diversifient pas leurs efforts ? Ils ont déjà à leur disposition le matériel de base, les contacts dans l’industrie et l’intérêt de la majorité des personnes concernées. Cela semble évident.
Entretemps, les projections pour enfants n’ont jamais eu la préférence d’aucune chaîne de cinémas, alors que cette proposition toute simple peut faire la différence avec la concurrence. Toute personne qui s’est déjà assise pour regarder un film avec un enfant qui n’a aucune envie de voir un film de 90 minutes comprendra que cette solution satisferait les besoins de tous ceux concernés. On voit déjà des exemples intéressants à Singapour et à Bangkok mais le meilleur exemple est sans doute les Village Cinemas en Australie, qui ont un partenariat avec Mattel pour concevoir une expérience – à l’intérieur comme à l’extérieur – du cinéma pour les enfants, avec des toboggans, des fauteuils « Sacco », du coloriage et une aire de jeux. Le fait d’étendre leur offre au-delà de la salle elle-même accroît et enrichit le voyage des clients et retient leur attention.
En ce qui concerne l’immersion, National CineMedia aux USA utilise des jeux de réalité augmentée afin de réinventer l’expérience pré-projection pour ses spectateurs. C’est percutant et c’est quelque chose que peu de gens prennent en compte. Les années 1990 ont vues l’apparition des quiz sur le cinéma, des questions simples pour distraire les spectateurs avant d’envoyer les bandes annonces. Au cours des années, cette idée simple s’est perdue, remplacée pour la plupart par une salle plongée dans le noir ou parfois un peu de musique légère. Améliorer l’expérience pré-projection afin de la rendre plus immersive n’est pas simplement une occasion sous-estimée mais elle a également le pouvoir de conduire le consommateur vers une application.
Qui, parmi nous, connaît une appli pour la réservation de séances au cinéma, de niveau mondial ?
La démarche de l’utilisateur pour l’achat d’une place de cinéma est semée d’embuches et c’est l’occasion de mettre en œuvre une conception adaptée.
Parmi les problèmes communs, on trouve un manque de clarté concernant les options disponibles, une navigation difficile, un manque de clarté jusqu’à la fin de la procédure au sujet du tarif, des icônes obscures et peu de choix dans les options de paiements (appli ou e-tickets). Pour être honnête, la plupart des applications et des sites internet donnent l’impression de ne pas avoir été mis à jour depuis un bon moment et ne correspondent ni aux besoins ni aux attentes du consommateur moderne.
L’expérience utilisateur s’étend à tous les points de contact avec le consommateur et si le fait de réserver une séance n’est pas une expérience simple et agréable, on peut perdre le client et le bouche-à-oreille sera négatif. La bonne nouvelle est qu’il n’y a pas de leader dans ce domaine. Le prix de la meilleure interface pour la réservation de billets n’a toujours pas été décerné. On peut apprendre des leçons des applis pour commander des achats, des voyages ou de la nourriture – ou même des banques – et bousculer la conception traditionnelle existante pour le bien de l’expérience utilisateur.
Les Goonies ne renoncent jamais… le cinéma non plus.
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