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Quand la peinture devient décor : l’art du matte painting, vu par Michael Pangrazio

Fév 23, 2025

En plus de quarante ans d’activité, Michael Pangrazio a connu de nombreuses vies, passant de jeune matte painter chez ILM à directeur du département de matte de cette même société, puis cofondateur de la célèbre maison spécialisée Matte World, avant de partir, après une courte pause, vers la direction artistique pour Weta Digital.

À travers ces expériences se dessine une même passion pour la peinture, la création d’univers, pour des plans et films aussi célèbres que L’Empire contre-attaque, Le Retour du Jedi, Willow, Les Aventuriers de l’arche perdue, Robin des bois, prince des voleurs, Sin City, Le Hobbit ou encore Kong : Skull Island… À l’occasion de la remise d’un génie d’honneur aux Paris Images Digital Summit d’Enghien les Bains fin janvier 2025, Michael Pangrazio revient sur cette riche carrière, entre pinceaux et ordinateurs.

Vous avez commencé par travailler dans un magasin de fournitures d’art ?

Michael Pangrazio : Je n’aimais pas beaucoup l’école, je restais à la maison autant que possible pour dessiner et peindre. Je voulais vraiment être un artiste. C’était naturel pour moi. Mais il y a une différence entre vouloir quelque chose et s’imaginer faire quelque chose dans le monde. Je n’avais pas vraiment de plan directeur et je n’étais pas du genre à y penser ! Le magasin d’art était donc un moyen pour moi de gagner de l’argent, d’être en contact avec les fournitures et d’obtenir des réductions dessus. À cette époque, j’ai eu l’occasion d’interagir avec des gens d’une école d’art locale appelée le centre d’art de Pasadena. C’était une école très célèbre et très prestigieuse. J’ai toujours voulu y aller, mais comme je n’avais pas d’argent, je n’ai pas pu.

Et par hasard, vous y rencontrez un fan de soucoupes volantes…

M.P. : J’étais devant le magasin d’art et un client arrive et me demande si je connais quelqu’un qui pourrait enseigner l’aérographe à sa femme. J’avais appris tout seul avec mon propre aérographe donc je me suis dit que je pourrais le faire. J’ai donc dit oui. Il m’a donné son adresse, on a pris rendez-vous et là, il commence par me parler de soucoupes volantes pendant plus d’une heure. C’était intéressant, mais je n’ai jamais enseigné l’aérographe à sa femme ! Il m’a emmené dans son grenier où se trouvait un matte painting d’Albert Whitlock et m’a demandé si je pouvais faire ça. Et j’ai répondu qu’avec le temps, peut-être… Il se trouve que ce client était John Eppolito, et qu’il possédait alors une minuscule société d’effets spéciaux qui se composait essentiellement de lui-même. Il avait un dispositif de projection frontale et il m’a invité à venir travailler pour lui. J’étais là depuis deux semaines et il travaillait sur un petit film qui n’est probablement jamais sorti sur grand écran. Il fallait faire croire qu’un bâtiment avait été détruit par une explosion, à partir de ce bâtiment intact. On m’a donné le plan du bâtiment, j’ai rajouté des éléments pour faire croire que le centre était ouvert, que les poutres dépassaient, qu’il y avait des débris sur la pelouse et d’autres choses comme ça. Je crois que John a rajouté un peu de fumée et l’effet était fini. C’est grâce à lui que j’ai découvert l’industrie du cinéma, et c’est comme ça que j’ai commencé.

Parce que peindre une toile, et peindre pour le cinéma, ce n’est pas du tout la même chose…

M.P. : C’était comme apprendre une nouvelle compétence, alors en tant que jeune homme, c’était assez excitant, c’était une sorte d’aventure. C’est vrai que c’est très différent, parce que quand vous faites du matte painting, vous devez penser à l’illusion. Il faut ajouter une touche d’impressionnisme à votre peinture, pour qu’elle prenne vie. Ainsi, elle ne paraît plus aussi rigide, aussi peinte, aussi stérile. J’ai donc appris en grande partie à être un peu moins détaillé. Parce que les matte paintings ont tendance à très peu rester sur l’écran, autour de trois secondes. Alors on peut facilement s’en sortir, surtout que les spectateurs regardent au centre du cadre, et beaucoup moins dans les coins de l’image !

Combien de temps est nécessaire pour réaliser une peinture de ce type ?

M.P. : Parfois quelques jours, mais cela dépend du sujet. Quelque chose de très compliqué va prendre beaucoup plus de temps. Et parfois, en fonction des validations ou non, vous devez faire beaucoup de changements, alors même que vous pensiez initialement que la peinture allait être très facile. En moyenne, il fallait environ une semaine et demie pour une peinture de grande taille. Le dernier plan des Aventuriers de l’arche perdue de Steven Spielberg a quant à lui nécessité presque trois mois de travail !

Comment avez-vous rencontré les personnes de chez ILM ?

M. P. : Juste après La Guerre des étoiles de George Lucas, Glen Larson, qui était le producteur principal des studios Universal pour la télévision, a pensé à Battlestar Galactica comme un moyen d’emprunter le genre pour lancer une série télévisée à succès. Il cherchait à tirer parti de la réussite commerciale du film de George Lucas, et il a donc écrit un scénario dans cette lignée. Je me souviens avoir été invité par John, mon patron, à une réunion de travail sur ce projet. Je ne sais pas comment, ni pourquoi, mais il m’y a envoyé. Or, Glen est entré en contact avec Joe Johnson et Ralph McQuarrie qui étaient les créatifs à l’origine du visuel de La Guerre des étoiles. Et il voulait que ces personnes soient impliquées dans son projet. J’ai eu la chance de leur être présenté à cette occasion. Ils étaient probablement curieux de savoir qui j’étais et ce que je faisais dans cette réunion…

Retrouvez l’intégralité de l’entretien de Michael Pangrazio recueilli par Réjane Hamus-Vallée dans La Lettre n°189.

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