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L’Abominable, un laboratoire photochimique collectif
L’histoire relève du miracle. Une machine que tout condamnait à l’oubli est revenue à la vie. Une caméra conçue par Michel Baptiste en 1976 et qui, au cœur de la CST, servait à fabriquer les mires de référence 35 mm, 16 mm et super-8. Cette résurrection, nous la devons à un collectif de cinéastes, inventeurs, ingénieurs et poètes, véritables « démons dostoievskiens » comme ils se définissent eux-mêmes, œuvrant depuis 1996 à la création d’un laboratoire cinématographique : L’Abominable.
Tel un inventaire à la Prévert, on y trouve un ensemble de machines, de consommables et de pratiques que l’on croyait disparus. On y conçoit et réalise son film en pellicule. Les outils de l’argentique sont mis à disposition, mutualisés. Chaque artiste peut y développer ses négatifs, tirer sa copie, réaliser des trucages, faire un sous-titrage, monter, travailler le son et, bien sûr, utiliser la salle de projection. Fonctionnant comme un atelier collectif, les savoir-faire sont transmis à ceux qui débutent avant qu’ils ne puissent devenir autonomes. Leurs films, expérimentaux souvent, peuvent ensuite être programmés hors des circuits classiques ou confiés aux coopératives de distribution comme Light Cone ou Collectif Jeune Cinéma. Affranchies, ces œuvres peuvent exister. L’utopie est en marche et cet artisanat préserve de l’oubli les métiers ouvriers.
Actuellement l’équipe de L’Abominable quitte ses locaux de La Courneuve pour un projet pharaonique dans les anciens bâtiments d’Éclair à Épinaysur-Seine : Le Navire Argo. La réhabilitation des locaux se chiffre à 2,4 millions d’euros. Fonds publics, dons et mécénat vont permettre de boucler le financement afin que ce conservatoire des pratiques photochimiques voie le jour. Mais avant cette nouvelle traversée, nous leur avons rendu visite.
Le rendez-vous fixé par téléphone, nous sommes venus nombreux de la CST, curieux de retrouver ou découvrir ce que fut cette ère industrielle du cinéma. Certains d’entre nous ont fait toute leur carrière aux temps de la photochimie, d’autres sont nés tout numérique tandis que la plupart ont vécu la transition. L’impression fut pour tous stupéfiante.
Trois générations de la CST propulsées au XXe siècle dans un laboratoire photochimique ; entre le foutraque d’un atelier de peintre et le décorum de la salle du prof de physique-chimie – port de la blouse blanche obligatoire !
Pour lire la suite, téléchargez La Lettre 181 et consultez la page 50.
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