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Critique Dalva, Emmanuelle Nicot
Premier long métrage d’Emmanuelle Nicot, Dalva (prénom de la jeune héroïne pré-adolescente) est un film en tout point remarquable et établi d’office sa réalisatrice (aussi scénariste) parmi les autrices à suivre sérieusement.
Dalva, 12 ans, aime profondément son père qui l’élève seule… Mais celui-ci se fait arrêter par la police dans une scène d’introduction coup-de-poing, accusé de pédophilie et d’inceste. Le sujet, grave, se dévoile à travers les yeux de son héroïne, qui ne voit pas directement où est le problème, et pourquoi les adultes font de sa vie privée toute une histoire.
Incroyablement interprété par la jeune Zelda Samson, à qui on prédit sans équivoque un avenir prometteur, Dalva nous touche par sa force et sa fragilité, son regard sur le monde et sa sensibilité, à un âge où l’on découvre – ou croit découvrir – l’amour. Dalva a peur de ne pas être aimée, seule, abandonnée. Elle ne veut plus être une enfant… Mais, malgré elle, elle n’a pas encore la maturité d’une adulte.
Le film est tourné en 1,37 (ancien format 1927-1950, dit “Standard” ; presque carré). Si ce format d’image est aujourd’hui quasiment totalement abandonné, il est parfois encore utilisé par des metteurs en scène, et cela pour deux raisons possibles. La première : faire ainsi référence à la période “Standard” du cinéma, l’apparition du Parlant, comme avait pu le faire Michel Hazanavicius avec The Artist. La seconde raison, et qui prend ici tout son sens : bénéficier d’un cadre ultra-serré, pour ne laisser la place qu’aux personnages et oublier les décors et l’environnement dans lequel ils évoluent.
Emmanuelle Nicot focalise ainsi l’attention de son public sur sa fabuleuse actrice principale (et le reste du casting, tout à fait brillant), pour accentuer notre proximité avec ses personnages et “resserrer” le récit sur ce qui est essentiel : les rapports humains, le drame du film. Le film est tourné avec une focale quasiment constante (que j’imagine être un 50mm) ; champs suffisamment serrés pour ne pas se perdre dans la lecture des décors ; pour avoir une profondeur de champs réduite et ainsi mettre encore plus l’accent sur les personnages (acteurs nets, fond flou) ; mais pas non plus au point d’en devenir fatiguant pour le confort visuel du film : la caméra est intégralement en portée, et une focale plus longue aurait sans doute créer bien plus d’effet de tremblement.
En tout point brillant et maîtrisé, Dalva est un film à ne surtout pas manquer. Le style peut faire penser aux Frères Dardennes, à Gus Van Sant, à Thomas Vinterberg. Emmanuelle Nicot se place ainsi aux côtés des grands.
Robin Entreinger
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