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Le maquillage spécial : Entretien avec Olivier Afonso, cofondateur de l’Atelier 69

Juin 26, 2024

Depuis 20 ans, les créations des maquilleurs de l’Atelier 69 circulent dans de nombreux films et séries français. Qu’il faille recréer des parties du corps humain ou le blesser comme pour Anatomie d’une chute, que ce soit plutôt des créatures fantastiques à porter sur grand écran comme celles de Fumer fait tousser ou du Règne animal, le maquillage spécial a su s’adapter à des techniques en perpétuel changement. De plus en plus liés aux effets visuels, ces effets spéciaux se diversifient ces dernières années, gagnant une timide reconnaissance, à l’image du Trophée César & Techniques remporté par la structure en 2021. Olivier Afonso revient ici sur sa carrière et les effets fabriqués par l’Atelier 69, qu’il a cofondé et qu’il codirige avec Frédéric Lainé et Guillaume Castagné.

Au tournant des années 2000, ce n’était pas forcément simple de rencontrer le monde des effets spéciaux de maquillage, comment t’es tu retrouvé dans cet univers ?
Olivier Afonso : C’est assez rigolo parce que j’ai l’impression de n’avoir fait qu’une succession de choix par hasard ! Quand j’étais vraiment petit, j’ai grandi dans une cité où le père d’un de mes amis, au chômage, adorait la peinture contemporaine. Il avait des revues sur Basquiat, sur Keith Haring… et je me suis intéressé à la peinture avant même de m’intéresser à la musique ! Comme j’aimais bien dessiner, ce qui était bien pratique pour les parents pour te faire rester à la maison, j’avais envie de faire quelque chose dans l’art. Mes parents, qui venaient du Portugal, n’étaient pas du tout du milieu artistique, mon père étant dans le bâtiment et ma mère dans les ménages. Donc l’art et la culture, c’était très éloigné pour eux. Et comme ma nounou, c’était la télé, j’ai commencé à être passionné par les films qui y étaient diffusés, par le cinéma.

Qu’est-ce qui t’intéressait particulièrement dans ces images ?
O.A. : Très vite, je me suis rendu compte que c’était les histoires qui m’intéressaient. C’est peut-être pour ça aussi que l’art m’intéressait parce qu’il y avait quelque chose dans la narration qui me plaisait. J’ai été très influencé par le cinéma mais aussi par la peinture et donc j’ai fait des études d’art par hasard. Je suis allé au lycée parce qu’il fallait y aller… et là-bas, mon prof d’arts plastiques m’a dit : tu devrais faire une école d’art, tu peux y arriver. Alors ok, mais je n’avais pas forcément un super niveau scolaire, parce que je m’ennuyais vraiment beaucoup au lycée… J’ai quand même trouvé le moyen de passer le bac, je suis arrivé à l’école Olivier de Serres (maintenant ENSAAMA), toujours un peu par hasard et j’ai été pris aux beaux-arts de Cergy, en arts appliqués. D’un coup, c’était plus concret, il y avait une part technique et c’est là que j’ai rencontré Frédéric Lainé.

Donc le maquillage n’était pas ta première passion ?
O.A. : Frédéric, lui, était déjà un mordu de maquillage depuis toujours et à partir de là, j’ai vraiment pris conscience de ce que c’était, les maquillages spéciaux. Par exemple, j’étais très fan des Goonies de Richard Donner et j’ai compris que ce qui me plaisait beaucoup dans le film, c’était le maquillage, sans que je ne m’en sois rendu compte avant. C’est de là aussi que vient mon intérêt pour le maquillage « invisible ». Je dis souvent que si on voit le maquillage, c’est raté. Alors bien sûr, c’est un peu de la provocation parce qu’évidemment, il y a pas mal de maquillages qui ne sont pas ratés et qui se voient, mais il y a toujours ce petit truc de chercher à rester invisible. Je pense que ça fait écho à la sensation que j’avais quand j’étais gamin. Grâce à Fred, je me suis donc penché sur tout ça. Malgré tout, j’ai continué à vouloir faire de la peinture. J’en ai fait pendant quatre ans, j’exposais en galerie et ça marchait, je vivais plutôt bien. Mais le milieu de l’art n’était pas assez ludique pour moi, c’était très sérieux et surtout, le cinéma me manquait.

En dehors de la peinture, tu avais déjà quelques liens avec le monde du cinéma ?
O.A. : Oui, à côté, je faisais déjà quelques courts métrages. Sur des longs, j’ai travaillé par exemple dans les costumes sur Astérix et Obélix contre César de Claude Zidi en 1998 et j’ai aussi fait de la déco sur différents projets… Et puis je donnais des petits cours de maquillage. C’était drôle, je n’avais pas une grosse expérience dans le domaine mais j’ai été pris pour former des gens parce que j’avais des connaissances en sculpture, en prothèse, je connaissais la technique.

Où avais-tu appris la technique justement à cette époque-là ?
O.A. : Les gens qui étaient déjà en place en tant que maquilleurs spéciaux avaient plutôt l’habitude de garder leurs techniques secrètes. Quand ils faisaient des choses, ils fermaient la porte pour que personne ne regarde… On allait chercher des infos dans les making of, on regardait les produits et on avait remarqué que ça leur arrivait de tricher en y montrant des produits qui ne pouvaient pas donner le résultat du film ! Nous on cherchait, on fouillait et puis internet s’est généralisé et tout s’est démocratisé d’un coup. On avait accès à tout le monde et on s’est rendu compte que c’était un tout petit milieu avec des gens très accessibles, surtout du côté des Américains. Et par l’atelier, le fait d’être tous ensemble, on apprenait beaucoup, on testait aussi beaucoup ! Aujourd’hui, il y a des écoles, des émissions… C’est plus simple mais ça reste un métier de terrain. Et puis personne ne peut t’enseigner la culture du plateau. La pression et le relationnel, on n’apprend pas ça dans les écoles.

Comme pour beaucoup de métiers au cinéma, le relationnel est donc essentiel…
O.A. : Il faut être à l’aise avec les gens, il faut accepter de les toucher, d’être proche d’eux, c’est très intime. Il y a des personnes qui n’arrivent pas à aller démaquiller quelqu’un, qui ont du mal à lui toucher la peau.  Et c’est des bases qui ne sont pas apprises à l’école, c’est de la relation à l’autre. Il faut savoir s’effacer, il faut être discret, il faut être au service du comédien…

Retrouvez l’intégralité de l’entretien d’Olivier Afonso recueilli par Réjane Hamus-Vallée dans la Lettre n°187.

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