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Une vie au service de la technique
Certains anniversaires sont plus marquants que d’autres : alors que la CST a fêté son quatre-vingtième anniversaire l’année dernière, l’un de ses membres historiques, Pierre Mandrin, souffle, lui, ses cent bougies. En 2022, il nous a fait le plaisir de revenir sur son parcours, intrinsèquement lié à celui de la CST.
De l’ORTF…
Pierre Mandrin a commencé sa carrière dans le cinéma en 1945, après avoir intégré l’École de Technique, Cinéma et Photos, qui deviendra plus tard l’École Louis Lumière. Suite à sa rencontre avec le président de la coopérative générale, alors productrice de La Bataille du Rhin de René Clément, il devient assistant opérateur sur ce film. Un tournage difficile qui s’étalera sur près d’un an. Les années qui suivent la Libération sont fastes et Pierre Mandrin gravit peu à peu les échelons passant d’assistant opérateur à chef opérateur. Les accords Blum-Byrnes mettant partiellement fin aux quotas de films américains sur les écrans français et réduisant l’exclusivité des films français à désormais quatre semaines sur treize, la production nationale s’en trouve fortement impactée avec une quasi interruption des tournages pendant plus de deux ans. Alors membre du comité de la Paix, Pierre passe le plus clair de son temps dans leurs bureaux situés au 82 avenue des Champs-Elysées, locaux qui abritent également… la CST ! « Nous étions une espèce de colonie qui se croisait dans les escaliers et se fréquentait un peu partout », nous raconte-t-il. Pierre se souvient que son premier contact avec la CST s’est fait lors d’une projection de L’Hippocampe de Jean Painlevé. Si à cette époque, les rapports entre Pierre Mandrin et la CST sont pour le moins informels, il en garde un souvenir prégnant comme le signe précurseur d’une collaboration qui prendra tout son sens des décennies plus tard.


A cette époque, la CST n’avait pas encore formalisé son fonctionnement à travers des adhésions, des départements… Pierre s’en souvient davantage comme d’un lieu d’échanges ouvert à tous sur des sujets néanmoins pointus. « J’étais dans le flux, il n’y avait rien de formalisé. On allait à la CST pour voir s’il y avait quelque chose d’intéressant, et si c’était le cas on restait », précise-t-il.
… à la CST
Il ne faudra toutefois pas longtemps pour que la CST se structure et se développe de manière exponentielle à travers notamment ses départements au sein desquels se créaient les recommandations techniques avec comme mot d’ordre toujours plus de transversalité. Très rapidement, la CST a fait montre de cette émulsion qui la caractérise depuis plus de quatre-vingts ans. La structure plus que la formalisation, voilà le souvenir que Pierre garde de la CST. « Les choses se faisaient, tout simplement. Les réunions étaient très ouvertes », nous dit-il. Après une longue période de chômage, Pierre est approché par Pierre Schaeffer qui l’embauche d’abord comme opérateur pour le service de recherche de l’ORTF puis comme chercheur. « Cela a été l’occasion de mener une série d’expérimentations sur les nouveaux procédés de tournage, notamment ce que l’on appelait à l’époque le tournage direct avec une caméra 16 mm embarquée à l’épaule et avec une équipe réduite au strict minimum », nous explique-t-il. Véritable terrain de jeu, cette nouvelle fonction au sein de l’ORTF donne à Pierre l’occasion de lancer de nombreuses expérimentations. Pierre intègre ensuite l’équipe des Shadoks en tant que directeur de production. Là encore, son chemin croise celui de la CST puisque c’est dans leur laboratoire qu’il découvre les nouvelles chartes de couleurs. Bien qu’il ne se souvienne pas quand il a officiellement intégré la CST, Pierre se souvient toutefois que c’était au sein de la commission (ancien nom des départements/NDR) Image, avant que son parcours professionnel ne l’amène à intégrer le département Postproduction. Presque une autre histoire, voire une autre vie !
Les débuts de la postproduction
En 1990, grâce à un ami monteur, il découvre la première machine de montage numérique[1] sur disque optique. Il présente la machine à l’INA qui lui commande Mitterrand et l’Outre-Mer qui a la double particularité d’être constituée d’images mais également d’être la toute première émission française à bénéficier du montage virtuel. « Pour moi, ça a été le point de départ de toute une quantité d’expériences sur le montage virtuel via différents logiciels comme AVID ». Fer de lance du montage virtuel dont il participe activement à la démocratisation sur le territoire français, son chemin croise naturellement celui de la CST qui à cette époque s’agrandit en créant un département (autrefois appelé commission) Postproduction.

Pierre contribue à sa création au sein de la CST et participe notamment à l’édition d’un guide de la postproduction. Un projet d’ampleur qui aura mis plus d’un an à se concrétiser avec l’aide d’un groupe de monteurs. « Les Français se sont emparés du montage virtuel comme des fous. Même si cela n’a pas été adopté tout de suite et que pour les gens de ma génération ça a été un passage difficile du fait de la barrière de l’informatique et de l’attachement au support pellicule, il n’y a plus un monteur aujourd’hui qui a la nostalgie du crayon gras », s’enthousiasme Pierre. De 1945 à 2010, l’histoire entre Pierre Mandrin et la CST se sera construite au gré des rencontres et des innovations techniques. Une implication dont la nouvelle génération tire encore les enseignements.
[1] 1971: Le CMX 600, également connu sous le nom de RAVE (Random Access Video Editor), devient le premier logiciel de montage non linéaire alimenté par ordinateur au monde. Il stocke les données sous forme numérique, coûte environ $250 000 USD et ses disques durs ont la taille d’une machine à laver domestique. Il faudra attendre les années 90 pour découvrir les premiers logiciels de montage grand public notamment avec Avid Media Composer ou Adobe Premiere
Ilan Ferry
Pierre Mandrin nous a quitté le lundi 2 juin 2025. Toute la CST le remercie pour son dévouement. Toutes nos pensées vont à sa famille et ses proches.
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