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Un soupçon de magie : entretien avec Stéphanie Guillon, maquilleuse de « The Substance »

Juil 11, 2025

Tout juste auréolée d’un Oscar pour son travail sur The Substance aux côtés de Pierre-Olivier Persin et Marilyne Scarselli, la maquilleuse Stéphanie Guillon revient pour nous sur son parcours et cette expérience hors normes que fut le film de Coralie Fargeat.

Comment êtes-vous devenue maquilleuse de cinéma ?

Stéphanie Guillon : Mon parcours est un petit peu atypique, je suis autodidacte, je n’ai fait aucune école de maquillage ou suivi de formation particulière. Le maquillage n’était pas une vocation ni une passion à l’origine. Avant d’en arriver là, j’ai fait plein de petits boulots. A l’époque, je travaillais dans un institut en spécialisation pour les massages corps. En guise de hobby, je maquillais tous les vendredis soir des amis qui faisaient du café-théâtre dans une scène ouverte. Je ne le faisais pas « sérieusement » c’était surtout pour m’amuser. Un jour, une comédienne du nom de Marie Montoya a proposé de me payer une formation en maquillage car elle trouvait que j’étais très douée pour ça. 

Comme je n’y connaissais rien, j’ai pris le premier stage de formation que j’ai trouvé, il s’agissait d’une formation d’une semaine durant laquelle je devais reproduire le travail d’une maquilleuse sur un visage. Et lorsque je suis retournée au café-théâtre, on m’a proposé de remplacer la maquilleuse sur Cyrano de Bergerac. C’était une expérience fantastique car pour la première fois je devais travailler sur un nez en mousse de latex, ce que je n’avais jamais fait auparavant. Il y a une forme d’émulation, une harmonie au théâtre que j’aime beaucoup, je n’oublierai jamais mon expérience là-bas. Je regrette le fait qu’on fasse moins de maquillage en théâtre pour des questions de budget. Après Cyrano de Bergerac, j’étais de plus en plus sollicitée, il fallait donc que je me rende disponible. J’ai galéré pendant près de dix ans pour me constituer un carnet d’adresses et me faire une place. C’était d’autant plus difficile que je ne connaissais pas de maquilleurs, je n’avais pas d’appétence particulière pour le cinéma, hormis le cinéma asiatique dont j’étais très friande à l’époque. Je travaillais sur des courts-métrages et au fur à mesure des rencontres avec des directeurs de production comme Thierry Muscat, Bruno Vatin, des comédiens tels que Marion Cotillard ou encore le réalisateur Rémi Bezançon qui m’a fait travailler sur ses courts-métrages puis ses longs-métrages, j’ai pu avancer. J’ai été propulsée maquilleuse directement sans avoir été assistante maquilleuse au préalable. J’ai dû apprendre à travailler toute seule, d’où l’aspect autodidacte que j’évoquais plus tôt. Mon premier film important était Qui veut devenir une star ? réalisé en 2003 par Patrice Pooyard. C’était un film en avance sur son temps qui prédisait déjà toutes les dérives de la télé-réalité et sur lequel j’ai beaucoup aimé travailler car il y avait plein de transformations. Le film n’a malheureusement pas fait beaucoup d’entrées. Ensuite, j’ai travaillé sur le premier long-métrage de Rémi Bezançon, Ma vie en l’air, puis sur son second, Le premier jour du reste de ta vie. Avant tout cela, j’avais travaillé en renfort pendant trois mois sur Le Pacte des Loups de Christophe Gans.

Quand vous préparez un film, quels types de références apportez-vous ?

S. G. : Quand je lis un scénario, je fais un premier dépouillement où je vais noter des choses qui semblent essentielles et ensuite je vais faire une espèce de moodboard des ambiances, je vais noter des idées qui me semblent intéressantes à apporter aux personnages. Je vais ensuite confronter ces idées au réalisateur et – si j’ai de la chance – au chef opérateur, ce qui est de plus en plus rare car on ne voit presque plus les chefs opérateurs maintenant, sauf pendant la lecture technique. Généralement, nous ne disposons d’ailleurs pas assez de temps lors de la lecture technique pour exprimer notre créativité.

L’idéal serait d’avoir une lecture technique, puis une lecture créative, mais pas seulement avec le réalisateur et le département HMC (Habillage, Maquillage, Costume/NDR) mais également avec le chef opérateur, ce qu’on a rarement. C’est la partie la plus intéressante et fun. Et après, une fois qu’on a validé ça, il y a un très gros travail de dépouillement technique où on va faire évoluer les personnages dans le temps par rapport à ce que déroule le scénario. La partie créative revient surtout quand on rencontre les comédiens. Pour revenir aux références, celles que j’apporte sont plus stylistiques que cinématographiques, je vais davantage piocher dans l’architecture, l’Histoire, la peinture, les clips vidéo, voire le cosplay !

The Substance, pour lequel vous venez de remporter un Oscar, est un projet très ambitieux en termes de maquillage, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le dispositif mis en place ?

S. G. : En général sur un projet comme celui-ci on travaille en collaboration avec le prothésiste, ce qui n’a pas été le cas ici car il avait déjà commencé quand je suis arrivée sur le film. Il y avait les MFX (effets spéciaux maquillage) d’un côté et l’équipe maquillage de l’autre, nous étions vraiment séparés. Pierre-Olivier Persin et moi avons commencé nos carrières ensemble donc on se connaît bien, c’était très chouette de se retrouver sur ce film. Même si je n’ai pas participé à l’aspect créatif, Pierre-Olivier et moi avons quand même pu échanger et nous entraider notamment sur le travail autour du visage de Demi Moore. C’était une partie assez compliquée car je suis surtout intervenue sur la partie maquillage « traditionnelle » même si j’ai dû m’occuper de quelques aspects techniques et donc me coordonner avec l’équipe MFX…

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L’intégralité de l’entretien de Stephanie Guillon recueilli par Ilan Ferry dans La Lettre n°190 est accessible aux membres de la CST.

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