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Au poil près : entretien avec Mélanie Gerbeaux, responsable des effets spéciaux capillaires
Mélanie Gerbeaux
Si le corps de Nadia Tereszkiewicz dans Rosalie, de Stéphanie Di Giusto, ou la perruque de François Damiens dans Le Procès du chien (en salles depuis le 11 septembre) de Laetitia Dosch, vous ont paru plus vrais que nature, c’est grâce à Mélanie Gerbeaux. Responsable des effets spéciaux capillaires, elle nous raconte son parcours… forcément atypique !
Quel est ton parcours ?
Mélanie Gerbeaux : J’ai commencé par faire une école de maquillage sur deux ans et en parallèle, j’ai eu l’opportunité d’être sous contrat de qualification dans l’atelier coiffure, perruque, maquillage à l’Opéra national de Bastille en 1998. J’y ai appris la coiffure historique et la fabrication de perruques. J’ai ensuite intégré l’équipe du musée Grévin où j’ai appris de nouvelles techniques d’implantation directe dans la cire, ce qui m’a donné très envie de travailler dans le milieu des effets spéciaux de maquillage. Au départ de ma carrière j’ai rencontré Pierre-Olivier Persin et Frédéric Lainé avec qui j’ai travaillé sur Bloody Mallory de Julien Magnat en 2002. Sur ce projet j’ai fait la rencontre de Guillaume Castagné qui m’a tout de suite proposé de faire la fausse tête de l’acteur Philippe Laudenbach pour le film Maléfique d’Éric Valette.
J’ai rapidement enchaîné sur Deux Frères de Jean-Jacques Annaud où j’ai travaillé sur les poilages des faux tigres. Ça a été un travail énorme qui nous a demandé un an.
Après Deux Frères, quel a été ton autre projet d’envergure ?
M.G. : J’ai enchaîné les projets à l’atelier et sur les tournages. J’ai été contactée par la boîte DDT de maquillage SFX avec qui j’ai fait quelques projets comme Hellboy de Guillermo del Toro ou encore Mama d’Andres Muschietti, Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar. Saint Laurent de Bertrand Bonello a également été un film très important pour moi. J’ai fabriqué les perruques de Gaspar Ulliel et c’est sur ce film là que j’ai commencé à faire du poil à poil. Petit à petit j’ai perfectionné cette technique car elle est très appréciée des comédiens qui n’ont plus besoin de tulle sur le visage qui en empêche la mobilité.
Le point culminant était le film A good man de Marie-Castille Mention-Schaar avec Noémie Merlant que je devais transformer en homme. C’était un vrai challenge, car la réalisatrice ne voulait pas qu’on sache que le personnage principal était une femme, ce qui était très difficile car Noémie a un visage et un corps très féminins. Sur ce film, j’ai fait un gros travail en amont. Sur le tournage, je m’occupais du maquillage et de la barbe, cela me prenait deux heures au début chaque jour. C’est un tournage que j’ai fait du début à la fin, c’est la première fois que je travaillais sur un effet spécial aussi long. Ce film m’a préparée à d’autres films comme L’Abbé Pierre, une vie de combats, de Frédéric Tellier, où j’ai proposé de travailler en poil à poil, c’était vraiment important car le personnage adopte onze looks différents tout au long du film dont des gros vieillissements qui ont été réalisés par Frédéric Lainé. Dans leur conception nous avons opté pour un plus grand réalisme afin de travailler quasiment toutes les techniques de poils (postiches, implantations dans le silicone, poil à poil). C’était un travail très difficile et très technique.
A good man
de Marie-Castille Mention-Schaar
Peux-tu nous dire ce qu’est le poil à poil ?
M.G. : C’est une technique qui existe depuis que le cinéma existe. On remplace un postiche, qui est fabriqué avec du tulle, par des poils collés directement sur le visage du comédien. Le comédien gagne en mobilité d’expression, son visage n’est plus figé avec cette sensation hyper désagréable, on gagne aussi énormément à l’image pour son réalisme.
As-tu toujours voulu travailler plus spécifiquement sur les poils ?
M.G. : Non pas du tout. J’étais d’abord très intéressée par le maquillage et plus particulièrement par l’aspect transformation que j’avais un peu expérimenté au théâtre. A l’opéra j’ai découvert comment fabriquer des cheveux. J’adore leurs textures, leurs couleurs, leurs reflets, et les manières de les mettre en forme m’enthousiasme. Puis les poils sont devenus comme une passion. C’est vraiment en travaillant sur ma première fausse tête que j’ai développé une fascination pour l’hyperréalisme. C’est devenu une évidence de continuer à développer des techniques pour rendre le plus réaliste possible les fausses têtes, cadavres, animaux. Petit à petit, j’ai réalisé de plus en plus de perruques pour les comédiens avec ce même souci du détail, l’objectif étant que mon travail ne devait pas se voir. Par exemple, pour Le procès du chien de Laetitia Dosch, je me suis occupée de la perruque de François Damiens, qui n’a plus beaucoup de cheveux, et d’Anne Dorval qui est très brune.
Qu’est ce qui te motive aujourd’hui professionnellement ?
M.G. : Je suis passionnée par la transformation, prendre un comédien et le transformer intégralement. J’ai fait toutes les transformations de l’artiste Dominique Gonzalez-Foerster. Pour moi c’est l’aboutissement de mon travail : je m’occupe de tout, la fabrication des perruques, la coiffure et le maquillage. Ce qui me motive aujourd’hui c’est des challenges comme le film Rosalie qui était fait sur mesure pour moi.
Quelles sont les différentes étapes de création d’une perruque ?
M. G. : Je peux être appelée par différentes personnes : que ce soit un comédien, un réalisateur, la production, ou même un coiffeur travaillant sur un film en particulier. D’abord j’ai un premier rendez- vous avec le réalisateur, même si ce n’est pas une obligation…
Retrouvez l’intégralité de l’entretien avec Mélanie Gerbeaux recueilli par Ilan Ferry dans la Lettre n°188.
Retrouvez le CST Première du film Rosalie en compagnie de la réalisatrice Stephanie Di Giusto et de Mélanie Gerbeaux, responsable des effets spéciaux capillaires du film.
Étaient également présentes :
- Marion Chevance, cheffe maquilleuse
- Aude Thomas, cheffe coiffeuse
Un bel échange qui a permis de comprendre les secrets de fabrication du personnage.
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